Quand la nuit prend vie : coulisses de l’exposition “Jour sur la Nuit” à la Galerie Eurêka

Evenement
Comment naît une exposition ? Entre créativité, bricolage et savoir-faire, la Galerie Eurêka lève le voile sur la fabrication de “Jour sur la Nuit”, conçue intégralement en interne.
Date de publication :
14 oct. 2025
Frédéric Ménagé au coeur de l'exposition
© Marine Denis

À la Galerie Eurêka, chaque exposition est une aventure collective, née d’une idée, d'échanges et de beaucoup d’ingéniosité. Pour “Jour sur la Nuit”, dernière création en date, l’équipe a tout conçu et fabriqué en interne. Rencontre avec Frédéric Ménagé, chargé d’exposition, qui nous ouvre les portes de l’envers du décor.

Le métier de chargé d’exposition à la Galerie Eurêka

Frédéric Ménagé, chargé d’exposition à la Galerie Eurêka, travaille à la conception, à la préparation et à la mise en place des expositions, qu’elles soient créées en interne ou accueillies en location depuis d’autres centres. Son rôle consiste à participer à la programmation, à assurer la création et la production des nouvelles expositions, puis à organiser leur installation au sein de la Galerie.

De l’idée à la lumière : la création d’une exposition de toute pièce

Le travail sur la nouvelle exposition « Jour sur la Nuit » a débuté il y a un peu plus de deux ans au sein de la Galerie Eurêka. L’équipe a d’abord réfléchi collectivement à plusieurs thématiques d’exposition avant de retenir celle de la nuit. Une fois le sujet validé, le contenu a été créé et développé en interne pour occuper l’espace de 220 m² dont dispose la Galerie.

La Galerie Eurêka se distingue par ses parcours interactifs, fidèles à sa vocation de centre de culture scientifique : ici, le visiteur est invité à manipuler, expérimenter, découvrir.

« Notre doctrine : il est interdit de ne pas toucher. L’expérimentation fait partie intégrante de la visite. »

Un des projets les plus ambitieux de la Galerie

L’exposition comprend près de quarante dispositifs interactifs, un record à cette échelle.

« Nous réalisons des expositions temporaires depuis plusieurs années. Celle que nous venons de terminer est la cinquième plus grande exposition de notre catalogue, et la plus complexe à ce jour. », précise-t-il.

L’un des modules qui a été le plus délicat à concevoir s’appelle le “Parcours dans le noir”. C’est un espace où les visiteurs doivent répondre à trois questions sans utiliser la vue, en sollicitant l’odorat, le toucher et le goût. Une fois les réponses trouvées, on valide en plaçant une petite boule dans un mécanisme : si la réponse est juste, la boule ressort du bon côté. C’est un dispositif essentiellement mécanique, mais très exigeant en termes de précision et d’ajustements.

L’envers du décor : fabriquer l’émerveillement, entre ajustements et bricolage

Rien n’est jamais figé lors du montage d’une exposition de cette ampleur. L’équipe teste, ajuste et bricole en permanence. Tout n’est qu’un prototype au début de la conception. Pendant le montage il est commun de découvrir des imprécisions ou des problèmes à corriger.

"Récemment, j’ai dû réajuster le dispositif du "coucher de soleil' : la lumière traverse un petit aquarium rempli d’un liquide simulant la traversée de l’atmosphère. Au départ, j’utilisais du lait en poudre, car les protéines du lait diffusent bien la lumière bleue, ne laissant passer que les tons jaunes et rouges - comme un vrai coucher de soleil. Mais le lait posait des problèmes de maintenance (il tournait, sentait mauvais…). J’ai finalement remplacé le lait par de la silice colloïdale, qui produit le même effet sans les inconvénients. J’avais aussi testé de la kaolinite, une argile fine utilisée par des collègues de Montbéliard, mais elle diffusait mal le bleu et donnait un effet de brouillard. C’est en fouillant sur Internet et en expérimentant que j’ai trouvé la bonne solution.»

Cette approche expérimentale illustre bien la philosophie de l’équipe : inventer, tester, recommencer jusqu’à trouver la bonne solution.

Fabriquer autrement grâce au numérique

Pour concevoir les éléments de décor et les pièces interactives, Frédéric s’est formé aux outils du Fablab municipal de la Dynamo.

« Je me suis formé à l’usage de machines de découpe laser et d’imprimantes 3D disponibles au Fablab municipal situé à la Dynamo. Ces outils nous ont permis de créer les éléments de décor, mais aussi des pièces interactives. J’ai dû apprendre à maîtriser les logiciels, à faire des maquettes, à tester la solidité et l’équilibre de chaque pièce avant de lancer la production finale. Certaines impressions durent jusqu’à 24 heures, donc il a fallu bien planifier. »

L’équipe dispose désormais de sa propre imprimante 3D, ce qui lui offre une plus grande autonomie de production.

Les savoir-faire municipaux au service de l’exposition

La création de l'exposition "Jour sur la Nuit" a aussi reposé sur une collaboration étroite avec les ateliers municipaux.

« Les tables sur lesquelles reposent les modules ont été fabriquées par l’atelier municipal de menuiserie, puis peintes par l’atelier municipal de peinture et assemblées par nos soins », précise Frédéric.

Un bel exemple de synergie entre services municipaux.

Entre technique et sécurité : un équilibre à trouver

Les dispositifs proposés dans l'exposition doivent être manipulables par toutes et tous : enfants, adultes et familles.

« Il faut éviter les matériaux dangereux, lourds ou coûteux, et trouver le bon équilibre entre solidité, interactivité et sécurité. Tout doit aussi s’intégrer dans l’espace, dans le graphisme et dans le parcours global, avec les contraintes d’électricité, d’éclairage, etc.»

Les derniers ajustements avant l’ouverture

Lors de l’ouverture au public, chaque dispositif doit être parfaitement opérationnel : tout doit fonctionner, du plus grand module interactif au plus petit détail du parcours. Quelques ajustements peuvent encore être effectués dans les jours qui suivent, en fonction des retours des premiers visiteurs ou de petites imprécisions découvertes à l’usage.

Une anecdote illustre bien la vivacité de ce type de projet :

« Le jour de l'inauguration officielle l'un des écrans diffusant un timelapse est soudain tombé en panne, un petit imprévu qui rappelle que, malgré toute la préparation, une exposition reste un organisme vivant. »

La vie itinérante des expositions

Une fois lancée, l’exposition doit être stable et autonome, notamment lorsqu’elle entame sa tournée. La Galerie Eurêka a en effet pour habitude de louer ses expositions à d’autres structures culturelles partageant la même vocation de médiation scientifique. Dans ce cadre, « Jour sur la Nuit » partira à Montbéliard dès le mois de septembre, où elle sera à son tour présentée et découverte par le public local.

« Nous travaillons souvent en réseau avec d’autres structures dans toute la France, ce qui permet de faire vivre nos créations sur le long terme »

Certaines expositions de la Galerie, comme Reptiles et amphibiens (2014), tournent encore après dix ans, régulièrement réactualisées avant de repartir sur les routes.

Informations utiles

  • Dates de l'exposition : 20 septembre 2025 au 29 août 2026
  • Lieu : La Galerie Eurêka, 150 Rue de la République, 73000 Chambéry
  • Accès : tout public à partir de 8 ans, entrée gratuite

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